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ARTICLE 145 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET MESURES D’INSTRUCTION : UNE ARME A MANIER DELICATEMENT

L’article 145 du Code de procédure civile permet de se faire autoriser sur requête, de façon non contradictoire, à rechercher des preuves de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
Cette disposition est souvent utilisée en présence de soupçons de violation d’un engagement de non-concurrence ou encore de doutes sérieux quant à la commission, par un concurrent, d’actes de concurrence déloyale.
Cette arme est redoutable si elle est bien maniée et si le demandeur ne se montre pas trop gourmand.
Si la mesure ordonnée sur requête est trop large, il s’expose en effet à ce que l’autorisation qu’il a obtenue soit rétractée à l’issue d’un débat contradictoire et à ce que les éléments qu’il a saisis ou copiés soient restitués à son adversaire, sans qu’il puisse les utiliser.
Le motif légitime, condition préalable pour être autorisé à aller rechercher des preuves
L’article 145 du Code de procédure civile permet à celui qui nourrit des soupçons quant à la violation d’un engagement de non-concurrence, à la commission d’actes de concurrence déloyale tels que l’imitation de ses produits, le dénigrement ou encore le débauchage massif de ses salariés, ou encore à l’existence d’actes constitutifs de parasitisme de se faire autoriser à rechercher et à saisir ou prendre copie d’éléments de preuve de la commission des actes qu’il soupçonne, au siège social de l’auteur présumé desdits faits ou en tout autre lieu, avec l’aide d’un Huissier de justice et avec, le cas échéant, la présence de la force publique.
Condition requise : l’existence d’un motif légitime. Le demandeur doit ainsi « justifier d’éléments rendant crédibles ses supposition », établir que celles-ci « ne relèvent pas de la simple hypothèse » et exposer en quoi la mesure demandée est pertinente et utile (CA PARIS, 17 décembre 2020, n° 19/21156).
Les simples soupçons et conjectures ne suffisent pas. Le demandeur doit apporter de la « consistance à ses soupçons » (Cass. Civ. 2ème, 10 décembre 2020, n° 19-22.619) et les rendre « plausibles et vraisemblables » (CA PARIS, 15 avril 2016, n° 14/22357).
Si le Président de la juridiction saisie juge que, aux termes de la requête, ces conditions sont remplies, il pourra autoriser la recherche des preuves souhaitées, étant précisé que bien souvent, lorsqu’il est fait droit à la requête, le Président de la juridiction autorise la mesure dans les termes du projet d’ordonnance qui lui est soumis par le requérant.
Le débat contradictoire et le contrôle du caractère légalement admissible de la mesure ordonnée
Dès que l’ordonnance obtenue a été signifiée au tiers indélicat et, en pratique, que la mesure ordonnée a été exécutée, ce dernier peut, par voie d’assignation, demander la rétractation de l’ordonnance rendue aux termes d’un débat contradictoire.
Ledit débat porte généralement sur l’existence du motif légitime, sur le caractère légitime de la dérogation au principe du contradictoire ou encore sur la loyauté dans la présentation de la requête.
Il est également souvent question du caractère admissible de la mesure, laquelle doit être limitée dans le temps et dans son objet et ne pas s’apparenter à « une mesure d’investigation générale » (Cass. Civ. 2ème, 21 mars 2019, n° 18-14.705).
Le débat sur ce terrain s’est trouvé renforcé :
(i) d’une part, par la loi n° 2918-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires qui a transposé en droit interne la directive n° 2016/ 943/UE du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites,
(ii) et, d’autre part, par la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation, selon laquelle le juge doit « vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en vigueur » (Cass. Civ. 2ème, 10 juin 2021, n° 20-13.198 et 25 mars 2021, n° 20-14.309).
En pratique : quelles mesures demander ? comment motiver sa demande ?
Face à ce contrôle renforcé, il convient de parfaitement motiver, dès la requête, la nature et l’étendue des mesures sollicitées, en faisant ressortir qu’elles sont strictement nécessaires à l’exercice des droits du requérant.
S’agissant plus précisément de la mesure sollicitée, qui consiste bien souvent en la recherche de fichiers informatiques (emails, contrats, devis, factures …), il est recommandé de recourir à l’emploi d’un nombre limité de mots-clés, qui seront déterminés en fonction des soupçons (noms des clients détournés en violation d’un engagement de non-concurrence, noms des salariés débauchés, noms des tiers destinataires de messages dénigrants …).
La jurisprudence a validé cette pratique (CA PARIS, 4 mars 2021, n° 20/12977).
En conclusion, il convient, dès la rédaction de la requête, d’anticiper le débat contradictoire qui suit bien souvent l’exécution de la mesure.
SYNEGORE est à vos côtés et vous assiste, en demande comme en défense, pour défendre aux mieux vos droits dans ce cadre.